On pourrait parler de soulagement.

C'est sur la rive d'un lac que la Squadra Sparatoria peut finalement fêter son premier véritable succès à la LCC. S'il en avait été d'O'Keefe, on aurait pu s'attendre à ce que le party lève et que ça festoie davantage, mais on y retrouve plutôt une Véronica Puglisi, sagement installée dans une chaise soleil, lisant un bouquin de poésie et arborant un visage dénudé de toute émotion. Il en est toutefois autrement dans le cas du jeune Aldo Antonelli qui lui, semble chercher toutes les façons possibles d'utiliser l'énergie qui lui procure son excès d'enthousiasme. Tantôt nageant dans l'eau froide, tantôt faisait quelques exercices de cardio vasculaire sur la rive près de l'Idylle, tantôt fendant le bois de chauffage qui servira à alimenter le poêle à bois du vieux chalet squatté par les deux Italiens... Toutes les manières semblent bonnes! Et lorsqu'Antonelli n'est pas en train de forcer ou de travailler physiquement, son visage normalement calme trahit le sentiment de joie intense qui l'habite. Après plusieurs semaines de doute profond, il se rendait désormais compte qu'il lui était possible de connaître le succès, s'il s'y prenait de la bonne manière.

Sortant du lac pour une autre baignade rapide, il vint s'échouer aux côtés de Véronica qui elle, semblait impossible à déconcentrer, alors que toute son attention était portée sur sa littérature.

Aldo - J'ai compris tant de choses la semaine dernière, des choses pourtant si simples. Et dire qu'il n'en a fallu que si peu, que c'était si facile... et pourtant, je n'y avais pas pensé.

V.I.P. (concentrée sur son livre) - C'est bien.

Aldo - Je sais maintenant comment je dois procéder. La fin justifie toujours les moyens, mais la fin est totalement différente de celle que j'ai toujours connu. Aujourd'hui, je sais quels sont les chemins menant à Rome.

V.I.P. (concentrée sur son livre) - Uh uh...

Aldo - Dis, tu m'écoutes?

V.I.P. (concentrée sur son livre) - Bien sûr que non, voyons.

Aldo - Et si je te parlais de Curtis, tu m'écouterais?

On utilise souvent l'expression où l'on dit qu'une grande colère amène le feu dans les yeux d'une personne. Or, si c'était moindrement vrai, le bouquin de Véronica Puglisi aurait flambé dans le temps de le dire et un simple tas de cendres reposerait dans ses mains. Un soupir s'échappa des minces lèvres de l'Italienne, qui ferma doucement les yeux dans le désir de calmer l'impulsion grandissante en elle. Une impulsion qu'elle retenait souvent, volontairement ou non, car il était souvent humainement impossible d'exprimer l'ampleur de la colère qu'elle pouvait ressentir par moments. Celle-ci dépassait légèrement ces dites limites.

V.I.P. (fermant son livre) - Quoi maintenant? J'étais de bonne humeur, moi aussi! J'étais même ravie pour toi, tu t'imagines? Je me sentais paisible et calme comme je l'avais point été depuis le début, depuis qu'on a foutu les pieds sur ce minable continent! Et maintenant, pauvre sot, tu ramènes des sujets qui ne feront de bien à personne sauf pour les cancres se nourrissant de sottises des plus vulgaires et insensées aux dépens d'une personne qui mérite le respect non seulement pour ce qu'elle a accompli, mais également pour ce qui est reconnu comme étant ce qu'elle PEUT accomplir, tu vois? Et maintenant, qu'est-ce que tu veux? Mon gant au visage, c'est cela?

Aldo - Dis moi donc, savais-tu depuis le début de quoi il était question? Je veux dire... Pourquoi je ne gagnais pas?

V.I.P. - C'est l'évidence même, crétin avec un C majuscule! Tu n'avais rien compris du principe de ce jeu! Il ne faut point trop en faire, il n'est pas question de faire disparaître quelqu'un! Simplement les écarter doucement du chemin, juste assez pour qu'ils aient assez la trouille pour ne pas se remettre au travers de ton chemin. J'avais hâte que tu le réalises car maintenant, tu vois le résultat? Jimmy North ressemble à un opossum écrasé au milieu d'une route provinciale.

Aldo - Il est en piteux état, oui. Mais ce que je veux savoir, c'est pourquoi tu ne m'as pas aidé avant.

V.I.P. - J'ai cru que c'était une cause perdue.

Aldo - QUOI?!

V.I.P. - Je ne comprends toujours pas ce que mon oncle a pu voir dans un minable comme toi, au point de te placer ici sous ma surveillance. Et contrairement à toi, fort de ta série d'insuccès, je connais mon potentiel et je sais que jamais j'aurais raté ma chance comme tu t'apprétais à le faire ici. J'aurais pris ta place à n'importe quel moment, question de remettre à sa place...

Aldo - Curtis Moonchild?

V.I.P. - LA FERME!!! Ne prononce pas ces mots infâmes du péché capital envers la Création. Je parlais de cet autre, ce traitre, ce tueur, cette crapule...

Aldo - Le champion?

V.I.P. - Non. Le nazi.

Aldo - C'est lui, le champion.

V.I.P. - Jamais il ne sera champion. Jamais. Tu veux savoir pourquoi?

Aldo - À mon avis, Véro, si tu regardes la ceinture qu'il porte, ça veut dire qu'il est champion.

V.I.P. - C'est du matériel, Aldo. Du matériel. Cet homme est un symbole d'une déchéance non seulement éxagérée, mais inacceptable. Cet homme, ainsi qu'un autre idiot d'Allemand, n'ont jamais accepté d'être vaincus par Anonyme et mon défunt ami Yuufutsu pour le championnat par équipe de l'ALNF. Cependant, bien qu'il semble vouloir montrer au monde entier qu'il est un génie, il n'a simplement pas compris que l'échec devrait amener son sujet à retourner à la table à dessin, et non pas à forcer une pièce de casse-tête qui n'est simplement pas à la bonne place. Mais il ne s'est jamais amélioré, il est resté le même débutant, le même nabot qui, au lieu de se surpasser, a préféré effacer ce qui avait déjà été fait. Et jamais le carbone ne s'est complètement effacé. Anonyme est là, quelque part dans le monde, et se déplace en fauteuil roulant. Yuufutsu, lui, est six pieds sous terre.

Aldo - Peu importe. C'est mon coéquipier cette semaine.

V.I.P. - Ah oui? Jimmy North, aussi risible soit-il, était notre coéquipier, à moi et l'homme rose, il y a quelques semaines. Tu l'as tout de même attaqué. Et donc, si tu crois que c'est cette question de principes de coéquipiers qui va m'empêcher de trouver Vendetta sur Rayer lorsque l'occasion se présentera à moi, tu te mets les cinq doigts dans un seul oeil. Jamais il sera pardonné, et l'âme de Yuufutsu cherche toujours vengeance.

Aldo - Je t'en prie! Ne fais pas ça! J'ai besoin de mes coéquipiers pour gagner!

V.I.P. - Quoi? Contre... attends... un clown, une pute insatisfaite de sa réelle identité, et cet autre idiot qui se croit roi et maître avant même d'avoir posé une action moindrement significative dans cette ligue. Il y a une difficulté? Et encore, regarde de ton côté. Un enfant de cinq ans dans un corps d'adulte, un nabot nazi qui soustrait les nominateurs au lieu d'additionner les dénominateurs, et un jeunôt qui manque complètement de confiance en soi. Mais monsieur Barnes, bon sens! Que voulez-vous donc faire avec ces six bons à rien?

Aldo - Mais... mais...

V.I.P. (autoritaire) - La ferme.

Le temps de le dire, Véronica venait non seulement de replonger Aldo dans le doute le plus profond, mais venait également d'anéhantir tout l'enthousiasme qui lui faisait survoler ses difficultés depuis sa victoire sur les Plaines d'Abraham.

V.I.P. - Le succès ne vient pas dans un élan d'enthousiasme ou de joie, ou peu importe comment tu appelleras le sentiment ridicule que tu vis présentement. Tu es tellement pathétique que tu me donnes l'impression d'avoir une génétique semblable à celle de Shane Whitaker. Tu crois que tu es sur la bonne voie? Nomme moi donc le nombre d'adversaires et même de coéquipiers à qui tu es capable de faire peur, en ce moment.

Aldo (déboussolé) - Euh...

V.I.P. - À peine fais-tu peur à l'arbitre! Tu as triomphé sur un handicapé, Aldo! UN HANDICAPÉ! Tu crois que c'est comme ça qu'on se fait un nom? Tu crois que c'est ainsi qu'on va se chercher une notoriété? Tu crois que du jour au lendemain, tu es devenu le plus grand combattant du monde? Détrompe-toi, abruti! Tu es toujours le même demeuré, la même andouille qui continue de non seulement négliger tous les aspects du jeu mais en plus, d'attirer la risée de toute cette fédération. Et ensuite, tu viens me déranger dans ma lecture en croyant que je suis fière de toi? Je vais te dire une chose: peut-être as-tu fait un pas minime la semaine dernière en comprenant que tu ne passais pas par les bons chemins pour arriver à tes objectifs. Oui, je peux l'admettre. Mais c'est un pourcentage inimaginablement négligeable de tout ce qu'il te reste à apprendre! Et cette semaine, il y a trois choses que tu dois comprendre absolument: On ne fait pas confiance à des gens comme Hans-Jakob Rayer, même s'ils sont nos équipiers. Ensuite, on s'impose face à quiconque se met entre nous et nos objectifs. Tes adversaires, par exemple. Finalement, on ne laisse jamais quelqu'un se moquer de nous, que ce soit mérité ou non.

Aldo - Quelqu'un s'est moqué de moi?

En une fraction de seconde, la joue d'Antonelli tourna au rouge après avoir été heurtée violemment par le gant de l'Idylle.

V.I.P. - MOI!!! Tu as vu ce que ce pantin de Moonchild a osé dire à mon sujet?! Et tout ce que tu trouves à faire pour défendre celle qui, juste à t'adresser la parole, augmente le respect global que les gens te doivent d'un pourcentage équivalent à un huit sur le côté, c'est d'utiliser son nom en sachant très bien que ça me mettra hors de moi! Mais qu'est-ce qui te prend, espèce de macaque? M'as-tu seulement vu être méchante une seule fois avec toi?

Aldo (cachant difficilement son sarcasme) - Euh...

V.I.P. - J'en ai marre. Sérieusement marre! Et si j'étais du genre à garder les choses simples, ou même à abandonner, il y a longtemps que je t'aurais laissé à toi-même. J'aurais peut-être même pris un plaisir à te voir te brûler à petit feu jusqu'à ce que tu t'éteignes dans l'ombre la plus totale, sans aucun respect ni reconnaissance. Aldo Antonelli, le plus grand flop de l'histoire de la LCC. Ç'aurait été joli, non?

Aldo - S'il-te-plaît...

V.I.P. - Qu'importe. Contentes-toi d'être chanceux puisque je ne suis pas celle qui abandonne le plus facilement. J'ai téléphoné la semaine dernière à un vieil ami qui viendra d'Europe pour faire de toi un monstre, une machine. Il faut aller le chercher demain soir à l'aéroport Pierre-Éliott Trudeau, à Montréal. Et je sais que cet homme voit la même chose que moi ici.

Aldo - Ah là là...

V.I.P. - Ne sois pas déçu. En fait, après toute cette réflexion, je crois que tu as finalement une bonne raison d'être heureux. À partir de demain, ton chemin sera asphalté vers la réussite. Tu peux retourner nager dans la bonne humeur et dans l'eau, si tu le souhaites. Amuses-toi bien!

Et, bien entendu, Aldo Antonelli n'avait plus du tout la tête à s'amuser. Complètement perturbé, déboussolé et démumi, il s'en fut vers la maison et commença simplement à s'amuser sur son nouveau jeu de fléchettes à l'effigie du fendant à Johnson. Véronica, elle, replongea dans sa littérature, comme si rien ne s'était passé, et que tout était parfait dans le meilleur des mondes possibles.