Un dilemme des plus faciles à résoudre

C'est dans une forêt très dense, dans un endroit éloigné de toute civilisation, que Véronica Puglisi et l'habile Aldo Antonelli se préparent en vue du prochain cataclysme. Ou du moins, font semblant de se préparer. À l'intérieur d'un chalet aux allures très sobres se trouve Aldo, assis devant le téléviseur, un sac de croustilles à la main. Il était écrasé sur le canapé à la québécoise et naviguait nonchalamment sur les différents canaux disponibles. Un gros total de quatre canaux, en fait. Pour l'une des rares fois, il ne semblait pas aussi élégant et chic. Torse nu et mal rasé, il semblait se foutre complètement de tout ce qui pouvait arriver. Après tout, on l'avait simplement ignoré en vue du prochain Cataclysme.

Tout à coup, un bruit de claquement de porte se fait entendre. C'était l'Idylle, qui revenait de l'extérieur. La jeune Italienne, tout aussi flamboyante qu'à l'habitude, ne s'était pas négligée. Vêtue d'une robe d'été de couleur bordeaux, elle entra dans le petit boudoir où se trouvait Aldo et lui jeta littéralement un colis, que l'homme receva directement dans le ventre. Il faillit en perdre le souffle.

V.I.P. - Ta mère t'envoie ça, le bout de chou. Elle te dit également de te laver le derrière des oreilles et de faire ta lessive régulièrement.

Aldo - C'est vrai?

V.I.P. - Non, pauvre idiot. Ouvre la boîte.

Aldo prit alors une pose un peu plus propre et ouvrit la boîte, qui contenait des poids. Rien de spectaculaire par contre; il ne s'agissait que de poids de 10 livres chaque.

Aldo - Tu veux rire de moi, ou quoi?

V.I.P. - As-tu déjà tenté de lire entre les lignes? Ah! Non, c'est vrai, tu es un homme. J'ai bel et bien l'impression que je devrai une fois de plus tout t'expliquer.

Aldo - Dis donc, tu as franchement une très belle estime de moi, hein?

V.I.P. - On a choisi de se réfugier loin de toute distraction dans ce chalet des Laurentides pour que tu puisses t'entraîner dans le but de devenir un futur champion. Non seulement jusqu'à présent, tu n'impressionnes PERSONNE, mais en plus, alors que tu devrais tenter de t'améliorer et de faire de ton corps une machine, je te vois écrasé devant le téléviseur, mangeant ces ordures de... mais qu'est-ce que c'est que ça?

L'Idylle agrippe alors le sac de croustilles d'Aldo et y jette un oeil.

V.I.P. - Crème sûre et cornichons? Tu es dégoûtant, Aldo!

Aldo - C'était dans l'armoire. Ça veut certainement dire que c'est toi qui les a achetées!

V.I.P. - Je n'ai pas encore fait d'emplettes, Aldo. Tout ce qu'il reste ici, ce sont les restes de nourriture de l'ancien propriétaire, ce vieil homme de 92 ans décédé par... accident.

Aldo - Oui... par accident.

V.I.P. - C'est cela.

Aldo - D'ailleurs, il faudrait songer à la mise en terre.

V.I.P. - La famille viendra réclamer le corps à un moment ou un autre. C'est mieux de le conserver dans le congélateur, pour le moment.

Aldo - Bon... ça va. Alors, qu'est-ce tu voulais dire, par "lire entre les lignes"?

V.I.P. - Qu'est-ce tu fais avec des poids, généralement?

Aldo - Je m'entraîne.

V.I.P. - Alors voilà! Ne cherche plus, gros abruti! Entraîne toi!

Aldo - Mais pourquoi? J'ai été ignoré cette semaine!

V.I.P. - Faux. Le président Barnes vient de faire l'annonce que chaque lutteur devait choisir son camp dans le combat de capitaine de la ligue. Ça veut dire que tu t'en vas lutter et casser la gueule de cet enfoiré d'allemand.

Aldo - Mais il ne m'a rien fait!

V.I.P. - Il représente une menace pour tous. Il est un symbole de la déloyauté, une crapule, voilà.

Aldo - Mais qu'est-ce qui te fait dire ça?

V.I.P. - Laisse tomber. Je retombe dans quelques souvenirs lointains. Cette histoire concernant mon ancien coéquipier Yuufutsu me rappelle à quel point cet homme est ignoble et ne mérite que de se retrouver au fond d'une rivière avec des bottes de béton.

Aldo - Je m'en occupe pour toi, Beauté.

V.I.P. - Trop risqué.

Aldo - Ah. Zut...

V.I.P. - C'est à sa confiance que l'on doit s'attaquer. Il est talentueux et agile, et conscient de ses habiletés. Il sait qu'il peut gagner, et nous nous devons de placer les pires embuches sur son parcours, quelque chose qui l'empêchera complètement d'avancer. Il se voit comme un maître, une race supérieure tel que tous les Aryens. Il ramène non seulement à la conscience des gens les raisons pour lesquelles tant de personnes sont décédées sans raison valable au milieu du dernier siècle, mais en plus il ramène toutes ces raisons à la clarté du jour, dévoilant par le fait même que quelqu'un peut encore être animé par le désir d'éliminer des gens sans qu'il soit question des vraies valeurs de l'être humain. L'argent et le pouvoir, en soit. Mais qu'importe, il n'en est pas d'un débat sur les raisons sociales ou de ses objectifs, ou encore à savoir quel est le résultat final où devront mener les démarches qu'il prend tous les jours et toutes les semaines. Il a un but clair et précis, et il n'est pas le même que nous. Voilà une raison suffisante dans son cas pour souhaiter notre misère. Et personne n'ira souhaiter la misère de Véronica Iliana Puglisi, j'en jure sur la tombe de mon père. Il n'est pas question que cet infâme assassin sans scrupule, que cet insecte blond aux convictions dépassées, puisse...

L'Idylle est alors déconcentrée par Aldo, l'observant avec de très grands yeux, tout en grignotant ses croustilles.

V.I.P. - Non mais! Tu vas lâcher ça, oui?

Elle agrippe alors le sac de croustilles et le jette par une fenêtre ouverte à proximité.

V.I.P. - Tu sais quoi, Aldo? C'est moi qui va s'en occuper, de Rayer.

Aldo - Et moi, qu'est-ce que je fais?

V.I.P. - Reste dans l'ombre et continue d'être ignoré. Ce rôle te va bien, et tu sembles t'y plaire. Moi, je pars. Je vais courir, car j'ai la grande intention de combattre aux côtés de cette chochotte de Curtis Moonchild, et nous allons gagner. Ça va de soit. On n'arrête pas l'Idylle à la première strophe, on la termine jusqu'à la chute.

Véronica se dirige alors droit vers l'entrée et change ses souliers à talons hauts pour des chaussures de jogging, puis sors immédiatement. Elle laisse ainsi un Aldo Antonelli, toujours assis sur le canapé, les yeux ronds de stupéfaction, et complètement assomé par les dernières paroles de Véronica. D'un trait, il se lève debout et croise ses bras, mettant en relief sur son visage la réflexion, la pensée.

Aldo - Tu crois que je ne fais rien? Que je ne vaux rien?

Le gaillard décroise alors ses bras, empoigne un poids et fou de rage, le lance au travers d'une fenêtre.

Aldo - Je vais te montrer, Véro, ce que je suis capable de faire. Je vais le montrer à tous ceux qui me voient comme un figurant! À ceux qui m'ont ignoré, et à ceux qui me mettent en marge de toutes ces blagues et bons-à-rien que sont ces clowns, ce bûcheron, ce trapéziste, ou encore le petit Finlandais qui court partout. Rien ni personne ne se moque d'Aldo Antonelli et même si je n'y serai pas lors du prochain Cataclysme, ce n'est que partie remise. Les dés sont jetés. Et certains en paieront de leur peau et de leur sang.

Aldo prend alors l'autre poids et le lance dans la télévision, qui éclate littéralement.

Aldo - Si Véronica ne croit pas en moi, c'est tant pis pour elle. La pauvre fille. Mais je vais lui prouver que je peux me battre contre n'importe lequel de ces batailleurs de rue. Et peu importe qui ce sera, lors du prochain PPV, je me ferai un plaisir... de lui passer sur le corps. Oui, vous allez voir ce dont je suis capable.

Aldo sortit alors du chalet, sans se changer. Il vint prendre une hache dehors et se mis à fendre du bois. Et fendre encore. Soudainement, il lâcha la hache, s'écriant de tout son souffle "Mais qu'est-ce que je fais là? Je ressemble à un colon, à un bûcheron, à Papineau!" Puis, d'un trait, il s'en fut à nouveau à l'intérieur, à la recherche d'une quelconque machine sur laquelle s'entraîner promptement.